Appropriation culturelle

Thomas shelby

Très étrange, à l’air du rassemblement national, de la stigmatisation à outrance, de la xénophobie à n’en plus finir que de voir à foison des designers, marques de luxe, ou autres opportunistes, adopter, s’accaparer le patrimoine culturel, matériel de certaines populations. L’Arabe, l’Africain, l’Amérindien, l’exotique font vendre me direz-vous !

De l’industriel alimentaire de bas étage proposant du couscous « bon comme là-bas dis », en passant par l’expat occidental fraîchement installé à Marrakech vendant de la vaisselle Beldi, de la bobo parisienne en mal de soleil qui au détour d’un séjour à Sally s’est prise d’amour pour le Wax et en a fait des coussins vendus rubis sur l’ongle, ou encore du chanteur vainqueur d’un télécrochet agrémentant ses chansons françaises de Habibis à chaque couplet.

Donner c’est donner, reprendre c’est voler

Donner et retenir ne vaut à la seule et unique condition que l’on soit informé, concerté. Ce qui n’est pas le cas dans la plupart des situations.

Sur le papier l’idée est bonne, faire renaître de ses cendres un objet oublié, délaissé, être transcendé par un pays, son passé, son présent… Oui certains le font divinement bien, en ayant une démarche responsable, éclairée mais tous ne procèdent pas de la sorte. On s’accapare un bout d’histoire, un objet, un lieu pour le convertir en fond de commerce.

Vendre une paire de babouches au doux prénom de Céline à un prix déraisonnable à des acheteurs en quête de griffes, ces mêmes acheteurs qui n’hésiteront d’ailleurs pas lors d’une balade dans la médina de Fès, à marchander avec l’artisan ayant passé des heures à confectionner à la main la balgha originelle. Baptiser son restaurant parisien Nikomouk (agrémenté d’un « ça veut dire longue vie », mazeltov à ceux qui reconnaîtront la référence cinématographique) sous prétexte qu’on y trouve des pseudos danseuses orientales et quelques plats à base de semoule et de senteurs de cumin. Organiser un shooting en Amérique du Sud pour une collection capsule inspirée du Mexique, pour au final s’amuser des autochtones et transformer une prise de vue improvisée en railleries.

Bien évidemment, toute ressemblance avec des personnages existants n’est purement pas fortuite.

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Rendre folklorique des mœurs et coutumes ancestrales, utiliser une population, une tribu, pour vendre, pour servir ses intérêts sans jamais rendre hommage, sans jamais se soucier de l’image renvoyée ni même s’insurger des problématiques vécues ou des conditions de vie de ces populations, voilà ce qui est contestable.

La différence n’est pas une décoration, un costume, un déguisement, que l’on déploierait ou porterait pour épater la galerie.

Apartés et anecdotes salvatrices

Quel enfant issu de l’immigration ne s’est jamais vu porter une tenue de son pays d’origine lors du fameux mardi gras organisé par son école ? Faute de moyens, d’imagination, d’incompréhension parfois des parents, les enfants originaires du Maghreb, d’Afrique, d’Asie venaient très souvent vêtus de leurs tenues traditionnelles : boubous, caftans, saris pour les filles, terbouches, jabadors, gandouras pour les garçons… La démarche était là légitime, c’était une partie d’eux, de leurs origines, de leurs racines. Rien de surjoué.

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Art.mekk via Instagram

La récupération culturelle c’est aussi la prise en otage de l’art. Le fait de se dire qu’à partir du moment où l’on crée on peut puiser son inspiration n’importe où et ainsi, revisiter pour ne pas dire plagier en faisant fi de la propriété intellectuelle ou des règles basiques de déontologie et d’éthique.

L’idée n’est pas là de pointer du doigt les influences extérieures, qui sont et ont toujours été une source intarissable d’inspiration, ni même de crier au racisme ou faire preuve de victimisation à outrance mais plutôt d’éveiller les consciences sur le fait de saisir les enjeux d’une telle pratique. L’ire est d’autant plus forte compte tenu du contexte actuel ou une certaine tranche de la population est constamment stigmatisée, pointée du doigt. Triste constat que ce nouveau concept que l’on pourrait baptiser « l’acceptation de la différence TPS » ou l’art de choisir à la carte ce qui est acceptable ou non, ce qui mérite d’être valorisé ou non.